6 Septembre 2018
La deuxième vidéo de Thierry Casasnovas est sortie et traite des composants des vaccins et à peu près comme prévu nous avons eu le droit à la déclinaison habituelle des poncifs des ligues antivaccins bien qu'il se défende de relayer leurs messages
Comme dans le billet précédent, je ne rentrerai pas dans la réfutation de chaque phrase de TC parce que chacune d'entre elle mériterait une correction. Les vaxxeuses ont déjà fait un travail remarquable dessus.
Inutile de commenter la toxicité d'un composé absent des vaccins pour les enfants comme le thiomersal ou encore rappeler que le formaldéhyde dans les vaccins n'est pas cancérigène.
Je vais donc concentrer l'analyse des arguments de TC au sujet la toxicité de l'aluminium. J'avais déjà abordé ses approximations sur ce sujet dans un billet sur sa bande annonce.
Une bonne occasion de faire un peu de pédagogie sur ce sujet et en montrer la complexité!
Les bases : Toxicologie, Toxicocinétique, Toxicocinétique compartimentale
J'imagine qu'à la lecture du titre, beaucoup d'entre vous auront été effrayés par ces termes rébarbatifs mais ces notions sont indispensables à la compréhension des erreurs de TC dans son argumentaire.
La toxicologie c'est l'étude des effets néfastes d'un composé sur le corps.
La toxicocinétique est l'étude de la façon dont un composé potentiellement toxique est absorbé puis réparti dans le corps, transformé (métabolisme) puis éliminé. Ce genre d'étude existe aussi pour la molécule active d'un médicament et s'appelle alors la pharmacocinétique.
Tout comme les médicaments, un composé toxique peut être absorbé par voie orale, injection intra-veineuse, intramusculaire ou encore inhalation.
En cas d'injection intra-veineuse, étudier le devenir du composé est relativement simple puisque l'intégralité de la substance va se diluer directement dans le sang. On peut alors mesurer son taux, la durée d'élimination et constater si une dose produit un effet néfaste. C'est ce qu'on appelle la dose-dépendance. Si une substance produit un effet quelle que soit la dose la substance est dite non dose dépendante. Si elle produit un effet à partir d'une dose, la substance est dite dose dépendante.
Quand le composé est ingéré ou injecté en intramusculaire, on comprend intuitivement que le composé ne se dilue pas directement dans le sang.
C'est la que la notion de toxicocinétique compartimentale intervient. Il faut imaginer qu'il y a différents secteurs dans l'organisme séparés par des barrières poreuses.
Le but de la pharmacologie compartimentale est de savoir par exemple pour une injection intra-musculaire (IM) à quelle vitesse et dans quelle proportion la molécule injectée va passer du secteur périphérique (muscle ici) vers les secteur interstitiel, puis vers le secteur sanguin pour refaire le chemin inverse vers son lieu d'élimination ou d'accumulation.
Une fois ces bases posées, il sera plus évident de voir les raccourcis qu'a pris TC sur la toxicité de l'aluminium.
La neurotoxicité de l'aluminium
La neurotoxicité a été observée et établie dans les années 70 chez des personnes insuffisantes rénales dialysées. L'accumulation d'aluminium était due à l'incapacité du rein à l'éliminer et à la présence d'aluminium dans les solutions de dialyse (un apport intraveineux en somme). Le rein est la voie d'élimination quasi unique de l'aluminium. Cette neurotoxicité s'accompagnait aussi d'une déminéralisation osseuse. Dans cette situation le taux d'aluminium dans le sang et les urines étaient élevés. L'effet est donc dose-dépendant
Les doses toxiques intra-veineuses suivantes ont été déterminées :
L'effet neurotoxique avec trouble du développement mesuré par le score Bailey ( méthode d'évaluation du développement neurologique et comportemental) ont été mis en évidence dans l'étude de Bishop et al, celle là même citée par TC. Cette étude portait sur le devenir d'enfants grands prématurés exposés à l'aluminium via des solutions de nutrition intra-veineuse. Il s'agit de l'étude citée par TC
Les doses neurotoxiques ci dessus ont donc toutes été déterminées POUR des apports INTRA-VEINEUX et dans des situations particulières.
Devenir de l'aluminium des vaccin après injection intra-musculaire
Bien qu'utilisés depuis 1928, l'étude du comportement des adjuvants à l'aluminium n'a été possible que depuis la fin des années 90 avec des moyens de mesure plus sensibles ( spectrométrie de masse avec aluminum radio actif Flarend et al 1997). Avec les techniques de dosage classique la variation de taux d'aluminium dans le sang (normale à 5-10 µg/l) était imperceptible pour les faibles doses injectées (au plus 850 µg).
Grâce à cette nouvelle technique, il a été possible d'établir un modèle a partir d'études in vitro et in vivo chez l'animal et le l'homme. (Nolte et al 2001,Flarend et al 1997) ce qui nous donne le schéma suivant... un peu compliqué.
Des études ci dessus ont permis de documenter les paramètres suivants après une injection intra-musculaire :
En définitive, la dose journalière d'aluminium qui passe dans le sang est très inférieure à la dose toxique utilisée par Thierry Casasnovas.
Bien évidemment, ces études sont insuffisantes pour documenter le risque de toxicité par les doses cumulées d'adjuvant au regard du calendrier vaccinal durant la première année de vie.
L'étude de Mitkus et al a évalué l'exposition via l'alimentation et les vaccins recommandés par le calendrier vaccinal et a déterminé que l'apport d'aluminium via les vaccins reste très inférieur aux doses d'expositions recommandées.
La courbe rouge représente les apports cumulés tolérés pour des enfants de faible poids
Thierry Casasnovas a donc utilisé une dose toxique intraveineuse journalière qu'il a appliqué au dosage d'une injection intramusculaire en faisant l'impasse sur les notions de toxicocinétique connues de l'adjuvant aluminium.
Indépendamment de toute considération quant à l'intentionnalité de son discours, celui-ci souffre d'un manque flagrant de méthode.